En 2014, l’Espagne commémora le 400ème anniversaire de la mort de El Greco avec plusieurs expositions dédiées à son œuvre. Pourtant, El Greco n’a pas toujours été aussi populaire et il a fallu beaucoup de temps avant que ses peintures ne soient considérées comme des chefs d’œuvres, et ce jusqu’au XIXème siècle. Même en Espagne au court des vingt dernières années, El Greco n’avait pas la même réputation que, par exemple, Velázquez ou Goya, et ses peintures étaient plutôt cachées dans le vieux musée Prado, mais El Greco a gagné en popularité ces dernières années et maintenant, ses peintures ont gagné une place plus importante qu’auparavant. Pour mieux comprendre le style d’El Greco, ShMadrid vous présente l’homme et l’artiste peintre !
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Les débuts du peintre
El Greco a toujours été plus ou moins un étranger, même pendant sa vie. Il fut originaire de Crête, d’où le nom, où il est né en 1541 et où il se forma d’abord comme peintre d’icônes. Il partit ensuite en Italie où il se forma à Venise et à Rome avant de partir, en 1577, pour l’Espagne, à la recherche d’une meilleure position financière. Qu’El Greco avait déjà à l’époque sa propre vision, particulière, de l’art devint très clair lorsqu’il suggéra, alors qu’il était à Rome, de repeindre la chapelle Sixtine puisque le Pape de l’époque n’était pas satisfait de certaines parties très érotiques des peintures faites par Michel-Ange. Une explication plus logique voudrait qu’El Greco fût très jaloux du chef d’œuvre de Michel-Ange puisqu’il était lui-même un grand admirateur des œuvres de ce dernier et que les influences de Michel-Ange peuvent se retrouver dans toute l’œuvre d’El Greco.
Les origines du style El Greco
Le style pictural qu’El Greco utilisa principalement appartient au maniérisme. Ce style peut être considéré comme très classique mais au lieu de représenter l’image aussi fidèlement que possible, les peintres maniéristes ont préféré utiliser des personnages très minces, en forme de S et fort peu réalistes ou des perspectives surréalistes ou compliquées. Les peintres romains, aux alentours de 1550, ont développé ce style dans lequel les personnages étaient élargis et parfois presque artificiellement représentés afin de réaliser une image encore plus vertueuse et plus que parfaite. Parmi les grands artistes du maniérisme, on retrouve par exemple, Michelangelo Buonarroti (ou Michel-Ange, 1475-1564), célèbre pour ses fresques de la Chapelle Sixtine telles que La création d’Adam, Antonio Allegri da Correggio (ou Le Corrège, 1489-1534), connu pour ses peintures narratives sentimentales et pour être le premier à dépeindre la lumière émanant du Christ enfant et Tintoretto (ou Le Tintoret, 1518-1594), l’un des plus grands experts du dessins et un compositeur prolifique de peintures religieuses exécutées dans le grand style et tendant presque sur le Baroque. Nombre de personnages dans les peintures d’El Greco sont également très minces et parfois extrêmement grands, puisque c’est ce qu’il a étudié durant ses séjours à Rome et à Venise mais par la suite, El Greco adapte le maniérisme, le convertissant et le développant pour en faire le sien, un style El Greco typique, bien plus expressif, adoré de certains et critiqué par d’autres.
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L’évolution picturale
Tout au long de sa vie, le style d’El Greco devient de plus en plus expressif : certains experts ont suggéré par le passé que cela est dû à l’influence des sentiments religieux intensifiés d’El Greco, d’autres ont suggéré qu’il souffrait d’un problème de vue, enfin, certains autres ont même dit que son style était le produit de l’utilisation de marijuana, mais toutes ces explications se sont avérées fausses puisqu’El Greco a principalement adapté son style pour servir le mouvement de la Contre-Réformation qui se déroulait à cette époque-là en Espagne. El Greco a intelligemment combiné le mouvement intensifié de la Contre-Réformation qui avait lieu à l’époque à Tolède avec son propre développement comme peintre du style expressif moderne. Le style expressif particulier d’El Greco correspondait parfaitement au mouvement de la Contre-Réformation qui concernait avant tout la réaffirmation de l’amour pour l’église catholique et l’expression de cet amour. Les influences italiennes et grecques étaient toujours visibles dans la plupart des œuvres d’El Greco mais il les a combinées avec son propre style très moderne qui a servi parfaitement la Contre-Réformation lorsqu’elle était à son apogée. La plupart de ses peintures sont dédiées aux thèmes typiques de la Contre-Réformation, ce qui inclut de nombreux Saints repentant, des images de Marie-Madeleine et de la Vierge Marie qui était très importante pour les catholiques puisque les protestants ont renié l’existence de la sainte maternité.
EL Greco, homme d’église ?
El Greco savait très bien négocier et se faire des contacts. Il savait exactement quel genre de peintures correspondrait et plairait le plus à ses patrons, qui se composaient principalement d’hommes d’église intelligents. Tolède était un lieu très religieux à l’époque puisque l’archevêque siégeait aussi dans la ville. Ces hommes d’église admiraient les peintures expressives d’El Greco qui représentaient pleinement l’image et les sentiments du mouvement de la Contre-Réformation. Le chef d’œuvre d’El Greco, et probablement son œuvre la plus célèbre, est l’immense peinture de l’Enterrement du Comte d’Orgaz, qui a été commandée par le curé de Santo Tomé, situé à Tolède, en 1586. La peinture, basée sur une légende locale, représente la mort, le paradis et la vie éternelle et est divisée en deux parties qui sont clairement séparées par la couleur et la lumière. Beaucoup prétendent que cette peinture est probablement la meilleure œuvre d’El Greco, dans laquelle il s’exprime complètement dans le style particulier qu’il a développé combiné avec des influences maniéristes classiques. La peinture est un exercice interactif de mouvement et d’expérience dans lequel El Greco essaie pleinement d’exprimer la vision de la vie et sa transcendance durant la Contre-Réformation.
EL Greco, source d’inspiration
Il fallut plusieurs générations avant que la véritable importance de l’art moderne extrême d’El Greco ne soit reconnue. Son talent en tant que peintre fut toujours loué mais son style anti-naturel fut presque toujours incompris et critiqué comme « excentrique » et « bizarre ». Ce n’est qu’à partir des années 1900, après que le Prado eut dédié une exposition à son œuvre en 1902, qu’une première grande réévaluation du statut d’El Greco au sein de la scène artistique s’est produite et que son originalité a enfin été « découverte ». À partir de là, l’œuvre d’El Greco a inspiré de grands artistes tels qu’Edouard Manet ou Cézanne qui a peint sa propre version de la Dame à la fourrure, d’après l’original d’El Greco. Pablo Picasso est, sans aucun doute, celui qui a toujours été le plus intrigué par l’œuvre d’El Greco et le tableau de ce dernier sur l’Enterrement du Comte d’Orgaz est sans doute sa source d’inspiration lorsque Picasso a peint sa célèbre œuvre Evocation. L’Enterrement de Casagemas. Bien d’autres grands artistes ont aussi été captivés et influencés par les peintures d’El Greco, en plus de Picasso. Amadeo Modigliani, Diego de Rivera et Jackson Pollock ont tous réalisé leurs chefs d’œuvre d’après les peintures d’El Greco et le dernier est même devenu légèrement obsédé par l’œuvre d’El Greco. Un bon exemple de l’influence d’El Greco peut être clairement aperçu dans l’œuvre de Pollock, Gótico, de 1944. Le style incroyablement moderne d’El Greco a été suivi et imité par bien d’autres par la suite et il a majoritairement influencé certains des plus grands peintres modernes de l’histoire. L’œuvre d’El Greco est vraiment spéciale et il peut être considéré comme l’un des premiers peintres expressifs modernes du monde ayant jamais vécu.
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